Avant toute chose, un grand merci à l'amateur m'ayant lourdement suggéré la lecture de ce roman.
Vous vous en doutez donc, j'ai passé un bon moment à suivre les aventures de Genly Aï sur Géthen, une planète qu'on pourrait qualifier de totallement polaire par son climat où l'eau ne dégèle que les jours de grosses chaleurs. Il doit dionc y convaincre les autochtones d'adhérer à l'Ekumen, confédération des planètes humaines. Il y découvre des autochtones humains hermaphrodites, dont la sexualité n'est active que quelques jours par mois.
Bon, je vais arrêter de m'étendre sur l'intrigue, que j'ai trouvé assez pauvre (et qui n'était manifestement pas le sujet du roman) pour passer aux points intéressants.
Le premier point marquant est que ce roman est, à mon avis, l'un des premiers creuser réellement le sujet de l'assexualité, en prenant pour cela un axe beaucoup plus intéressant que, disons, une humanité réduite à des clones produits en cuve (ce qui est par exemple le cas de [b:La guerre éternelle]). En effet, les habitants de Gethen sont, tout au long du roman, décrits de manière générique comme des hommes (c'est-à-dire des êtres de la race humaine) sans que jamais la définition d'un sexe en dehors de leur période active ne soit par Genly une chose facile. Qui plus est, et d'une façon curieusement revendicatrice, les traits de caractère typiquement sexués ne sont jamais décrits de façon positive. Les hommes (masculins, donc), sont décrits comme agressifs, obsédés par leur virilitié, et les femmes sont considérées comme molles, faibles, ... Il s'agit donc à mon avis d'une tentative, clairement réussie, de creuser l'hypothèse d'une sexualité rabaissant l'être humain (ce qui est le cas des Gétheniens qui, en période de "rut" - le mot local est peut-être plus joli, mais moins compréhensible). C'est très intéressant. Et surtout, ça n'est pas la seule chose qui pour l'auteur nous rabaisse.
Elle fait en effet un sort peu enviable à la religion. Les devins, qui semblent disposer d'un réel pouvoir de clairvoyance, postulent en effet que la connaissance n'est rien sans l'ignorance, et qu'il faut réussir à rechercher les deux simultanément. Enfin, c'est ce que j'ai cru comprendre. Sur le coup, j'avais quasiment eu une révélation, au moment où le devin explique à Genly que la seule chose qu'amène une question, en fin de compte, c'est une autre question. Et que du coup il faut rechercher l'ignorance, et accepter que le savoir soit limité. ou quelque chose du genre. En tout cas, quelque chose de profond qui, au contraire de cette assexualité (qui en quelque sorte rend indéfinis ces humains, et donc nous permet moins de les appréhender - comme c'est d'ailleurs le cas de Genly, qui ab beaucoup de mal à dénouer les fils de leurs non-vérité), organise cette société. on le voit au début dans les efforts déséspérés de genly pour obtenir des réponses claires. Mais on le voit aussi à la fin du roman lorsqu'il ne demande plus la vérité, mais explore juste le terrain autour de celle-ci pour la comprendre.
Il est d'ailleurs curieux de voir à quel point dans ce roman l'absence de sexualité permanente sert en quelque sorte de cache-sexe à l'auteur pour nous parler de tas d'autres sujets sans en avoir l'air, puisque nous sommes pris par le mystère de cette sexualité. Enfin, supposés pris ... Ben oui, au bout d'un moment, j'ai quand même réussi à détacher mon esprit de ce mystère pour m'intéresser à la fois à gethen et à l'Ekumen. Un Ekumen qui, en passant, a eu une riche descendante, au sein de laquelle mon rejeton préféré est sans doute la Culture de [a:Iain M Banks|7628|Iain M. Banks|http://photo.goodreads.com/authors/1207926823p2/7628.jpg]. Eh oui ! Elle est évidement inspirée, par ses buts et ses moyens, de cet Ekumen. sans doute qu'il y a eu d'autres civilisations pan-galactiques dans l'histoire de la SF, mais il y a pour moi une filliation directe entre les deux.
Une fois tout ça dit, vous vous doutez bien que j'ai apprécié ce roman. Et c'est vrai, avec une réserve cependant. Si le monde est beau et le voyage de Genly incroyable par ses péripéthies et son évident côté initiatique, j'ai eu tendance à bailler lorsqu'il traverse le glacier, mais également lorsqu'il se rend dans le pays de la bureaucratie toute-puissante. C'est dommage, parce que ces deux parties mettent en valeur les faiblesses du roman, qui concernent essentiellement une intrigue trop molle pour la taille du roman. Enfin, là, c'est sans doute le lecteur de 2010 qui parle ...
Cela dit, ne vous gênez pas, lsiez ce roman, il est quand même sacrément bien (aussi par son mode de narration que j'ai oublié de mentionner, alors qu'il est pourtant très habile, avec ses changements de narrateurs et ses interludes).