jspquoidire reviewed Résister au désastre by Isabelle Stengers
Un entretien stimulant
5 stars
À part un autre entretien il y a quelques années dans feu la revue Vacarme je n’ai rien lu d’Isabelle Stengers et il me semble que cet entretien est peut-être une bonne introduction dans la mesure où il ouvre des perspectives intéressantes que j’ai désormais envie d’approfondir, en lisant Stengers même mais aussi les autres auteurices dont elle parle, en particulier Donna Harraway et Vinciane Despret. J’ai trouvé deux trois particulièrement touchantes et stimulantes : Premièrement, un rapport à l’écologie qui n’en fasse pas seulement un rapport à un objet extérieur, un segment scientifique politique ou thématique mais qu’ici l’écologie devient une perspective, un rapport au monde se retrouve dans la pensée et l’action. Deuxièmement la prise en compte de la situation dans laquelle on est et aux conséquences de la production de connaissances et de l’action. Dans l’idée Stengers souhaite éviter un discours gratuit, aveugle au contexte et aux …
À part un autre entretien il y a quelques années dans feu la revue Vacarme je n’ai rien lu d’Isabelle Stengers et il me semble que cet entretien est peut-être une bonne introduction dans la mesure où il ouvre des perspectives intéressantes que j’ai désormais envie d’approfondir, en lisant Stengers même mais aussi les autres auteurices dont elle parle, en particulier Donna Harraway et Vinciane Despret. J’ai trouvé deux trois particulièrement touchantes et stimulantes : Premièrement, un rapport à l’écologie qui n’en fasse pas seulement un rapport à un objet extérieur, un segment scientifique politique ou thématique mais qu’ici l’écologie devient une perspective, un rapport au monde se retrouve dans la pensée et l’action. Deuxièmement la prise en compte de la situation dans laquelle on est et aux conséquences de la production de connaissances et de l’action. Dans l’idée Stengers souhaite éviter un discours gratuit, aveugle au contexte et aux personnes qui suivent. Troisièmement j’ai trouvée la question de la transmission des connaissances stimulante.
Cette perspective écologique consiste notamment en l’attention portée aux relations, aux interdépendances, aux possibles portés par une situation. Ne jamais penser les êtres et les problèmes indépendamment de leur milieu. Et cela vaut également pour les luttes que Stengers lie à la thématique de la guérison : lutter c’est guérir ensemble de ce que nous font nos milieux.
C’est là qu’on retrouve un rapport responsable et situé à la production de connaissance et à l’action. Cette notion de responsabilité, empruntée à D. Harraway, renvoie aussi bien au fait de reconnaître que le contexte contemporain est issu des colonisations imposées par les pays occidentaux au cours des siècles passées, qu’au fait de tenter de pouvoir répondre à ceelleux qui vont subir les conséquences de ce que l’on a appelé progrès. C’est que pour Stengers, on ne peut plus penser comme avant, « il faut prendre des risques pour fabriquer de la pensée qui soit au mieux utile, ou au moins pas nuisible pour ceux qui viennent. »
Sur le plan des connaissances cette dimension responsable va de paire avec un rapport renouvelé au savoir. Stengers critique un savoir hérité souvent décontextualisé, sur le registre de la conquête, où la prétention à avoir LA réponse rationnelle tende tend à remplacer ce qui nous affecte et importe par ce qu’il faut savoir. Stengers met en avant un savoir qui prenne en compte contexte, conséquence et usage à venir et qui ait la capacité d’imaginer de nouveaux rapports et mondes. Surtout, et j’ai trouvé ça particulièrement intéressant, Stengers invite à égaliser les rapports avec les personnes non spécialistes non par le partage de connaissances « vulgarisées » mais par le partage des questions posées, supposées par ces production de connaissances. Seul ce partage peut permettre d’apprécier ces connaissances et de pouvoir leur demander des comptes. Ce qu’elle vise, plutôt qu’une connaissance sur le mode additif et de plus en plus complexe c’est une « involution », concept emprunté à Deleuze et Guattari, qui renvoie à une déshabituation vis-à-vis des reflexes de pensées, des idéaux et des méthodes d’intelligibilité qui bloque le rapport au monde dans une indifférence hostile.
Bref plein d’autres éléments esquissés plus ou moins intéressants dans le reste de l’entretien, mais je garde cette citation pour conclure, pp. 32-33 : « L’un des grands enjeux de notre temps c’est que le savoir soit transformateur, q’uil éveille l’imagination, qu’il rende le monde encore plus intéressant, qu’il désintoxique de la tristesse des ‘on sait’ et des ‘ce n’est que’. »