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Stephen Baxter: Poussière de Lune (French language, 1998, J'ai Lu, J'AI LU) 3 stars

collection Millénaires

Review of 'Poussière de Lune' on 'Goodreads'

3 stars

Ce livre raconte les mésaventures de l’humanité après "l’activation" d’une pierre lunaire qui semble apparement contenir des composants actifs. Difficile d’en dire plus sans déflorer l’intrigue. Donc, pour ceux qui souhaitent le lire et que ce genre de procédé émeuvent, arrêtez maintenant la lecture. Ce roman nous raconte donc les aventures de Henry Meacher, géologue lunaire à la NASA, chargé de l’étude d’une pierre de lune redécouverte dans les affaire d’un astronaute farceur. Etrangement, cette pierre n’en est pas qu’une et, grâce à certains de ses composants, et à un assistant de laboratoire un rien maladroit, elle va précipiter notre bonne vieille Terre dans le chaos et la destruction globale, bien plus globale que, par exemple, un simple tremblement de terre. On est ici en plein dans le domaine de la Hard-science. Si le phénomène de la poussière de lune n’est pas explicité, tous les moyens que mettront les humains en oeuvre pour la juguler sont étudiés d’une manière excessivement analytique très prenante, parfois, et très lourde, à d’autres moments. Par ces aspects, mais également par certains éléments du décor (Edimbourgh) et des personnages (Henry Meacher ressemble très pour trait au héros de Benford) et de leur psychologie, ce roman m’a fait pensé à un mélange improbable entre ENtreFER et Dans l’océan de la nuit. Du premier, Baxter pourrait s’inspirer pour ses descriptions de l’Ecosse, même s’il me paraît plus probable qu’étant anglo-saxon, comme Banks, il ait eut l’occasion de s’y rendre. Mais c’est avec le second que les liens sont, à mon sens, les plus forts. On retrouve en effet dans les deux cas un héros scientifique à la NASA, en conflit avec sa hiérarchie, mais que des événements extra-terrestres vont projeter sur le devant de la scène, le tout dans le contexte de romans très fortement marqués par les connaissances techniques de leurs auteurs. Car Baxter s’y connait techniquement, c’est évident. Et il se sert de ses connaissances dans le domaine des missions spatiales comme dans celle des dispositifs de gestion de catastrophe ou de littérature SF pour agrémenter son récit d’images plus parlantes. Et ça aide beaucoup cette histoire à décoller. Heureusement, car ce récit souffre de plusieurs défauts. Un de ces défauts est commun à la plupart des scientifiques écrivains, il s’agit du manque d’empathie de l’auteur pour ses personnages. En effet, à aucun moment, même si les personnages sont marqués par le deuil de proches, la brutalité de certaines pertes humaines, les pertes de ces personnages n’affectent leur capacité à sauver le monde. Bien sûr, ce sont des héros, et des astronautes, et des gens extraordinaires, toutefois ça n’explique pas toujours leur manque apparent de senbsibilité. Mais cette critique est si répandue qu’elle pourrait quasiment faire partie, avec le très fort parti-pris technologique, des romans de Hard-science. Une autre critique est plus insidieuse. Elle concerne l’argumentaire que représente ce roman. En effet, tous les effets spéciaux déployés ne visent qu’à une chose : nous faire bien sentir que, si la NASA le souhaite, elle peut envoyer des astronautes sur la Lune pour moins d’un milliard de dollars. Il ne s’agit peut-être là que d’un élément annexe, mais je le crois au contraire très important dans la définition de ce roman, car il implique toute une série de choix effectués par l’auteur durant le déroulement de l’histoire, comme par exemple la nécessité, pour lui, de faire vivre au lecteur chaque moment (et presque chaque seconde) du vol jusqu’à la Lune. Alors bien sûr, j’ai trouvé ça tout à fait passionant de comprendre les différentes techniques d’alunnisage, dont la fabuleuse technique de glissade. Mais je crois que cet aspect fortement engagé (qui correspond heureusement à mes convictions) doit être nettement signalé, car il transforme ce bouquin, comme d’autres avant lui (je pense notamment à l’Oeuf du Dragon de Robert Forward), en un manifeste pour la recherche, ce qu’il aurait pu éviter à notre grand plaisir.

Mais ne boudons pas notre plaisir. Stephen Baxter sait raconter des histoires, émouvantes par les destins détruits (même s’il utilise pour ça de très communes ficelles du genre catastrophe), poignantes par l’héroïsme des personnages principaux (la palme revenant sans doute au cosmonaute qui foule le sol lunaire), et brillantes par leur construction et leur grandiose conclusion. Poussière de Lune est la somme de ces histoires, comme la fusée qui emmène les héros est la somme d’innombrables travaux individuels. Et cette histoire, comme la fusée, nous entraîne dans une formidable course contre la montre, sur fond de vagues de plasmas hurlant, pour mon plus grand plaisir et, j’espère le nôtre, dans un récit qui, s’il n’est pas un chef d’oeuvre absolu, n’en reste pas moins un très intelligent divertissement.