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Mark Z. Danielewski: La maison des feuilles (French language, 2002) 4 stars

House of Leaves is the debut novel by American author Mark Z. Danielewski, published in …

Review of 'La maison des feuilles' on 'Goodreads'

5 stars

J'avais entendu parler de ce roman à la grande époque de fras, vers 2002-2003.
Je me souviens quasiment en avoir entendu dire du bien par Alex Nikolavitch (que j'ai d'ailleurs entendu récement parler de super-héros sur Europe 1, d'ailleurs), mais je vérifierai (TODO).
Bref, la maison des feuilles est une espèce de roman expérimental à tiroir. D'ailleurs, la page de garde le dit bien :
Mark Z Danielewski :
La maison des feuilles par Zampano
avec une introduction de Johnny Errand
traduit de l'américain par Claro (qu'on félicite, parce que ça devait vraiment pas être de la rigolade).
A ces trois auteurs, il faut en ajouter un quatrième : Will Navidson. En effet, dans ce roman-ci, Johnny Errand rassemble les notes abandonnées par Zampano pour la publication d'un essai critique, intitulé le "Navidson Report", traitant du film éponyme réalisé par le dit Navidson qui, lui, relate l'expérience qu'il vécut dans une maison du fin fond de la Vriginie où apparut un beau jour un passage obscur.
Une fois ces différents éléments exposés, on se doute déja qu'il s'agit d'une lecture ... à tiroirs. Et c'est bien vrai ! Des tiroirs, il y en a littéralement des tonnes. D'ailleurs, à la fin de la lecture, on constate avec un certain ébahissement qu'il y a autant de notes de pied de page ... que de pages. Ca fait long, hein ? Qui plus est, les notes sont absconces, voire même complètement tordues (genre celle de Heidegger sur l'étrangeté de je ne sais plus quoi), et s'enchaînent parfois d'une façon tout sauf claire, puisqu'une note de Zampano - l'auteur du Navidson Report - peut donner lieu à une note d'Errand - le compilateur de cet ouvrage - qui à son tour va donner lieu à une note des éditeurs et/ou du traducteur. Bon, tout ça, ce ne sont après tout que des réflexions sur l'objet, qui mérite quand même largement d'être feuilleté, vu l'incroyable complexité de l'impression (regardez un peu le chapitre IX pour en avoir une idée, sans parler de tous ces passages où le texte part littéralement dans tous les sens). Mais en plus de l'objet, il y a l'histoire, ou les histoires, racontées en parallèle, et se répondant parfois.
La première, donc, est celle de Will Navidson, reporter photographe, qui va s'installer dans une maison de Virginie, et découvrir (comme dans un épisode de la quaitrème dimension, une citation que Zampano exploite dans une de ces notes) que sa maison grandit pour laisser de la place à ... des ténèbres, tout simplement. Des ténèbres froides, absolues, et qui semblent dévorer les explorateurs qui osent s'y aventurer. Qui plus est, le fait que ces ténèbres apparaissent dans un foyer, l'endroit censé être un abri pour ses habitants, en l'occurence une famille typique, avec ses espoirs et ses soucis. Et bien sûr, ces ténèbres vont provoquer des tensions quasi-insoutenables. Des tensions rendues plus visibles encore par le dispositif que Navidson met en place. En effet, il installe dans chaque pièce de sa maison une caméra, afin de faire de l'installation de sa famille dans sa nouvelle maison un film paisible, voire même pastoral. Au lieu de ça, les caméras vont nous montrer, d'après ce qu'en dit Zampano (d'ailleurs, je ne vous l'ai pas dit, mais un des mystères supplémentaires de ce roman est que Zampano est aveugle, ce qui n'aide pas à faire une analyse des images de ce film), les explorateurs qui s'équipent dans le salon, s'enfoncent dans les ténèbres, et parfois n'en reviennent pas.
La seconde histoire n'est pas celle de Zampano. Ce serait trop facile pour l'auteur réel de ce roman. Non. Il préfère nous faire suivre les pas de Johnny Errand, qui a compilé les notes de Zampano pour en faire ce roman publié. Et ce pauvre Johnny, quand il s'enfonce dans les notes rassemblées par Zampano, s'enfonce également dans la folie des ténèbres provoquée par le Navidson Report (ça, on ne l'apprendra qu'au milieu des différents récits, mais je préfère vous le dire tout de suite). Alors bien sûr, comme tous les petits rats de LA, il tente de donner le change par tous les moyens à sa disposition : le sexe bien sûr (ce qui donne lieu à des scènes ... ma foi ... plutôt chaudes), mais aussi la drogue, et globalement la débauche. Evidement, ça ne marchera pas. Parce que les ténèbres sont trop intenses. Du coup, un peu comme, par exemple, le héros d'Apocalypse Now (qui n'es pas cité dans le roman, contrairement, je crois, au colonel dont hélas j'ai oublié le nom), il est obligé de s'y plonger à fond. Ce qui va l'amener à revisiter son passé, ainsi que celui de sa famille (surtout sa relation à sa mère, d'ailleurs), ce qui n'a pas été sans me faire penser à une version de Lovecraft vue par un scénariste Hollywoodien.
Ces des histoires sontévidement reliées par les ténèbres qui les remplissent toutes deux peu à peu, avnt de refluer ... plus ou moins ... après avoir consomé ce qu'elles voulaient.
Est-ce encore utile de dire que ce roman m'a fait forte, très forte impression même ? Par sa forme, par son contenu, par la maîtrise de l'oeuvre dont fait preuve l'auteur, il s'agit clairement d'un chef d'oeuvre. Toutefois, un certain nombre d'éléments m'empêchent peut-être d'en profiter à s juste valeur. D'abord, l'insistance de Zampano à analyser le Navidson Report sous un angle psychiatrique et/ou sémiologique, alors qu'avant de chercher du sens, il faut peut-être penser à chercher des faits. Ensuite, j'ai parfois été perdu par certains citations. Heidegger, évidement, mais aussi d'autres. En revanche, j'ai beaucoup aimé (et je pense que Laurent Kloetzer appréciera aussi) la façon dont l'auteur arrive à relier sa maison au mythe du labyrinthe et du minotaure. Si je suis mitigé sur ce roman, donc, c'est peut-être plus sur des questions d'appréciation personnelle que de qualité globale du roman. En revanche, une chose est sûre, ce roman est un monde à lui tout seul, avec ses références bibliographiques qui, pour une part non négligeable, N'EXISTENT PAS. Il réussit, et c'est à mon sens un authentique tour de force, à créer un climat de suspension d'incrédulité totale, dans un monde on ne peut plus connu, le nôtre. En effet, la maison des Navidson (et les Navidson d'ailleurs) n'existent ni dans notre monde, ni dans celui de Johnny Errand, mais leur existence ne fait pas pour nous plus de doute que celle de Johnny Errand. Autrement dit, même si tout est faux dans ce roman (c'est normal pour un roman), tout est aussi furieusement et incroyablement vrai. Chacune des découvertes de Will ou de Karen semble pouvoir avoir lieu dans ma maison. Et si il y a bien un exploit dans cette oeuvre, c'est celle-là : créer trois réalités distinctes, non miscibles, et pourtant totallement superposées.
Alors bien sûr, vous devriez lire ce roman, même s'il est furieusement complexe. Au besoin, prenez une aspirine ou deux par moments, achetez des boules quiès, fermez tous les verrous chez vous, et plongez-vous dans cette aventure, vous n'en sortirez sans doute pas indemne, mais le voyage en vaut le coup.