Review of "L'arithmétique terrible de la misère" on 'Goodreads'
5 stars
Sur ce recueil, je vais essayer de commenter chaque nouvelle indépendamment.
Préface, par Alain Damasio
Bon, on peut arrêter avec Damasio le grand penseur de la SF ? Cette préface m'a semble éminemment réductrice, et les rappels au physique de l'autrice n'étaient pas de mon goût. En bonus, parler du style au scalpel dans des phrases aussi longues et contournées ... pouah !
Glamourissime ! 20 mai 2040
Une première nouvelle sous la forme d'un article façon presse magazine sur l'exploitation des particules émises de Machin-Liu (Liu d'après la nouvelle de Ken Liu sur l'Histoire). C'est assez amusant de voir l'exploitation commerciale d'une découverte de physique fondamentale, et aussi assez déprimant.
L'arithmétique de la misère
Pour ceux qui suivent l'autrice sur Twitter, le secteur Pantin/St-Ouen/Paris XXème et son espèce de zone de non-droit lui est très familier. Et cette nouvelle ne fait que mettre un décor de science-fiction sur l'exploration …
Sur ce recueil, je vais essayer de commenter chaque nouvelle indépendamment.
Préface, par Alain Damasio
Bon, on peut arrêter avec Damasio le grand penseur de la SF ? Cette préface m'a semble éminemment réductrice, et les rappels au physique de l'autrice n'étaient pas de mon goût. En bonus, parler du style au scalpel dans des phrases aussi longues et contournées ... pouah !
Glamourissime ! 20 mai 2040
Une première nouvelle sous la forme d'un article façon presse magazine sur l'exploitation des particules émises de Machin-Liu (Liu d'après la nouvelle de Ken Liu sur l'Histoire). C'est assez amusant de voir l'exploitation commerciale d'une découverte de physique fondamentale, et aussi assez déprimant.
L'arithmétique de la misère
Pour ceux qui suivent l'autrice sur Twitter, le secteur Pantin/St-Ouen/Paris XXème et son espèce de zone de non-droit lui est très familier. Et cette nouvelle ne fait que mettre un décor de science-fiction sur l'exploration sociologique de ce secteur. C'est très bien écrit, et absolument déchirant par ce que ça révèle sur, effectivement, l'arithmétique terrible de la misère. C'est vraiment une belle nouvelle.
Oreille amère
Cette nouvelle était assez amusante. Ca part sur le fameux coup de l'exploitation d'un gogo, à partir du contexte construit dans "Glamourrissime" avant de basculer dans une trame classique d'arnaqueur arnaqué, subtilement décalé, et élégamment amené. Très chouette. Et le personnage de fleuriste mortuaire est vraiment joliment tourné.
Une fatwa de mousse de tramway
Une nouvelle assez fascinante dans le monde du commerce en situation de risque. La chute (qui donne le nom à la nouvelle) est assez drôle dans le genre grinçant.
WeSiP
J'ai beaucoup aimé cette nouvelle qui met la data science face à ses impacts éthiques.
La mer monte dans la gamelle du chat
On voit se pointer là-dedans les prémices de la fameuse "dictature verte". C'est intéressant, inquiétant, et en même temps rassurant.
Tate Moon
Cette nouvelle-ci m'a touché dans mon âme d'amateur d'art. Parce que si il ne s'y passe somme toute pas grand chose, il y a une ambition incroyable dans cette idée de projeter des formes d'art dans un futur par définition difficilement imaginable.
Sans retour et sans nous
Cette histoire de co-domestication entre un robot aléatoire et une personne abandonnée est assez touchante. Elle raconte une forme d'abandon et de reconstruction, de résilience, qui est vraiment chouette.
Bobbidi-Boo
L'amitié, la trahison, à l'époque des IA quasi-omniscientes, ça n'est pas si compliqué. Mais il y a ici une évocation un peu nostalgique d'un futur où l'environnement n'est plus si vert, mais où la vie continue malgré tout.
Sensations en sous-sol
On retrouve dans ce récit la construction et certains des personnages qui ont fait le succès d'"outrage et rebellion". Et c'est tant mieux, parce que j'avais vraiment aimé ce roman ! Ici, on a droit à une visite impressioniste de Petit-Pékin, qui m'a fait terriblement penser aux niveaux aristos de l'Incal (ce qui n'est pas la pire comparaison du monde, je crois). C'est très chouette, un chouïa dégueulasse, parce que la richesse est ainsi faite. Et ça donne un moment de lecture vraiment plaisant.
Pâles mâles
Il y a un détail que je n'ai pas compris : Zanzibar est censé être une exploration positive de la science-fiction, non ? Pourtant j'ai trouvé cette nouvelle, décrivant deux intermittents du travail, franchement sombre. Parce que les deux personnages donnent beaucoup trop au mythe du travail en tant que seule libération de la pauvreté.
Enemy Isinme
Une nouvelle franchement perturbante par son imagination : un prof d'art plastique demande comme devoir récurent à ses élèves de développer des applications de réalité augmentée. Et l'un d'entre eux en développe une lui permettant de voir des fantômes. Le développement du récit est vraiment troublant.
En noir et blanc et en silence
Vous vous souvenez d'outrages et rebellion ? Eh bien dans celle-ci, on suivait la vie de pensionnaires d'un réservoir d'organes. Dans celle-ci, on voit un peu la même scène du point de vue de la bénéficiaire d'un tel corps. C'est tout aussi glaçant, je trouve.
Un temps chaud et lourd comme une paire de seins
La première nouvelle mettant en scène Ulalee, enquêtrice de la police de Seattle dans un monde inversé (les femmes dominent les hommes, et les blancs vivent dans un ghetto loin des riches quartiers noirs). C'est évidement une oeuvre féministe. Et la litanie des raisons pour lesquelles les femmes tuent des hommes est évidement un écho à la terrible réalité des féminicides en France. C'est absolument terrifiant, glaçant, gerbant ... et nécessaire. Et la conclusion avec l'écrivaine est encore pire.
La tête raclant la lune
Dans cette deuxième nouvelle mettant en scène Ulalee, on est plus dans la vraie enquête. Et le côté roman noir passe très très bien, même si la nouvelle est trop courte pour laisser le thème prendre toute sa place. Mais quand même, ça marche affreusement bien.
La vie sexuelle d'Alfred de M.
Pour changer, Catherine nous raconte la vie d'Alfred de Musset par le spectre de sa vie sexuelle. C'est bien plus léger, même si c'est parfois un chouïa âpre (pas pour cette raclure de Musset, mais pour ses "conquêtes"). Cette nouvelle est par ailleurs lisible sur le site de Catherine (là kat.mecreant.org/la-vie-sexuelle-dalfred-de-m/). Et je me permets de mettre le lien pour la seule et unique raison que je voulais retrouver cette citation précise
[...] la vie est un trop chouette seau pour être jeté dans le trou du merde du réel [..]
qui me fait presque pleurer d'émotion.
Coucou les filles
Tout comme la précédente, cette dernière nouvelle sort du cadre de la pure SF pour gentiment visiter les tréfonds de l'horreur misandre. C'est franchement aussi réussi qu'horrifiant. Il y a en effet quelques passages ... anatomiques qui sont difficilement soutenables. Et ça marche d'autant mieux que le mélange entre le style magazine féminin branchouille/magazine de déco hygge/instagrameuse et ces dissections se fait d'une façon très graduelle. On recommande !
Conclusion
Catherine Dufour a du talent à revendre, c'est évident (et je le sais depuis bien longtemps).
Elle a aussi une façon de mettre en texte ses convictions féministes qui est un vrai plaisir pour moi. Et qui devrait l'être en fait pour n'importe qui, tant ce féminisme est en fait simplement du respect de l'être humain. Mais ce qu'elle a surtout, qu'on sent poindre dans presque chacun de ces textes, c'est une authentique rage contre tous ces trucs rétrogrades qui existent encore dans notre monde. Et cette rage incandescente illumine littéralement ces récits : on la sent presque dans chaque page, habilement dirigée pour rendre à la fois les nouvelles plus chouettes, le monde dans lequel elles se passent plus incarné, mais aussi l'opinion de l'auteure plus lisible. Et c'est peut-être ça la vraie force de ce recueil. Ca en fait une lecture indispensable à tout amateur de nouvelles souhaitant un poil de qualité.